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Et si c’était vrai…

Cyril Barrand, artiste français, a développé une pratique qui se nourrit de mythologies, de légendes mais aussi d’éléments relevant du quotidien. Intéressé par le projet de la Fondation Galeria na Prowincji qui, depuis plus de 10 ans s’évertue à trouver des fonds pour restaurer le Vieux Théâtre de Lublin et le transformer en centre d’art international, l’artiste a sélectionné différents éléments réels ou légendaires lié au bâtiment et à son contexte (la vieille ville) afin de créer un univers particulier entre imaginaire et réalité.

Le titre Un ange pisse, un nain passe outre l’énonciation des deux histoires racontées dans les œuvres, renseigne de façon métaphorique sur la situation du théâtre. L’expression populaire « un ange passe », est requise lors d’un moment de silence où rien ne se passe. Par le détournement « un ange pisse » (des petits yeux contre le mauvais œil), l’action reprend sa place, réintroduisant la vie et l’espoir (par l’apparition de la gousse d’ail). L’autre partie du titre « un nain passe », renvoie phonétiquement au mot « impasse ». « Un ange pisse, un nain passe » traduit donc subtilement le caractère paradoxal de la situation du théâtre, passant sans cesse de l’action à l’immobilisme.

Les différentes réalisations (toiles, sculpture, inscriptions) du projet, perpétuent en fait la célèbre légende de la pierre du bourreau surnommée « la pierre du malheur ». Cette pierre à laquelle la légende et la superstition attribuent des pouvoirs maléfiques, se trouve à l’angle de la rue du Vieux Théâtre. Prenant le parti du légendaire et du surnaturel, l’artiste stigmatise la pierre comme la cause possible de l’histoire difficile du théâtre. Avec la création d’un nouvel évènement (l’apparition d’une gousse d’ail en pierre de sel sur la pierre du bourreau), le caractère tragique de la légende est renversé avec humour. En effet, par l’évocation de plusieurs éléments protecteurs (le nain, l’ange, la gousse d’ail, la pierre de sel), l’énergie négative de la pierre du bourreau et, par là-même le mauvais sort qui pèse (rait) sur le théâtre sont contrés.

L’apposition d’inscriptions en feuille d’or sur la pierre du bourreau et sur un mur du théâtre redonne de la préciosité et donc de la valeur, à des lieux considérés comme « maudits », accablés par l’histoire et / ou la légende.
L’inscription poétique Le bourreau a un cœur de pierre adoucit et dédramatise la pierre et ce qu’elle évoque.
Tout voir, tout dire, tout entendre, est le renversement du proverbe japonais des trois singes qui enseigne à ne rien voir, ne rien dire et ne rien entendre de mal. Posée sur le théâtre comme une nouvelle devise, l’inscription questionne les potentialités du lieu et son futur en tant que centre culturel.

Avec Un ange pisse, un nain passe, Cyril Barrand, sur le mode de la légende et de l’ironie, développe une vision poétique et positive qui allège en même temps qu’elle interroge profondément une situation complexe, emprunte de nostalgie et de fatalisme.

Lucie CAVEY, Commissaire artistique, mai 2003
Catalogue Un ange pisse, un nain passe

 

 

 

 

 

 

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